Titre : | Boltanski | Type de document : | texte imprimé | Auteurs : | Julie Rouart, Auteur | Editeur : | Paris [France] : Flammarion | Année de publication : | 2010 | Importance : | 239 p | ISBN/ISSN/EAN : | 978-2-08-126139-6 | Langues : | Français | Catégories : | Art contemporain ; Français ; International
| Mots-clés : | Collection SMart | Index. décimale : | C.04. Arts plastiques | Note de contenu : | «Il y a une histoire que j'aime beaucoup...» : lorsqu'on l'interroge sur le sens de ses oeuvres, Christian Boltanski prend généralement le détour d'une narration pour formuler une réponse indirecte, une réponse qui déploie un imaginaire commun entre le questionneur et l'artiste. L'histoire en question provient du large fonds de transmission orale collecté au fil du temps, qu'il s'agisse d'une légende populaire, d'une blague juive, d'un récit ethnographique ou encore d'une nouvelle de Lovecraft. Toutes parlent de transmission, de souvenirs, de relations humaines. Elles s'accordent autour d'une idée force : c'est dans la relation que la mémoire est possible, et seulement dans la relation. Toutes parlent du mensonge et de la vérité comme d'une seule et même chose, car dans l'art le mensonge est constitutif de la vérité et la vérité atteignable seulement à travers le mensonge. Ce faisant, ces récits et légendes tressent autour de l'univers de l'artiste autant de cercles de paroles, modes d'accès mais aussi modes de diffusion d'une création qui, parce qu'elle parle de transmission, doit être aisément transmissible.
Ne me dis pas... Dès ses débuts, Boltanski s'est ingénié à créer non .pas des histoires, mais le support d'histoires que le spectateur doit recomposer et interpréter. Ainsi l'essence de son travail est-elle moins narrative que suggestive, plus énigmatique que véritablement autobiographique. Bien qu'il ait avant cela réalisé des peintures et des installations, l'oeuvre qu'il considère comme inaugurale de sa démarche artistique est un petit livre, conçu en 1969, Recherche et présentation de tout ce qui reste de mon enfance, 1944-1954. Il y rassemble des images et de petits témoignages de son enfance, présentés sans hiérarchie comme dans un album de souvenirs. Cette collection de bribes d'informations sur son passé est la première d'une longue série de tentatives de reconstitution de sa jeunesse, qui seront consignées dans des livres, des vitrines ou encore des boîtes à biscuits. Le projet affirmé de sa première période de création est ainsi de réunir ou de reconstituer des fragments de souvenirs et de situations vécues au long de ses premières années. Pour ces «essais de reconstitutions», comme il les nomme, Boltanski utilise des photographies qu'il annote ou des objets qu'il confectionne lui-même avec des matériaux trouvés. Malgré leur revendication autobiographique, ces éléments nous renvoient à des situations qui ne sont rien moins qu'évidentes : vitrines entières de petits couteaux ou de pièges faits à la main, boulettes de terre par dizaines, sucres taillés composant un alphabet indéchiffrable, représentations approximatives d'objets du quotidien en pâte à modeler durcie, disposées dans des casiers ou des boîtes à biscuits. Les photographies qui sont censées documenter son enfance ne sont guère plus instructives puisque, sous les dehors d'une objectivité documentaire, leur identité est généralement fausse et les annotations parfaitement fantaisistes. Ainsi, alors que les images réunies dans ses livres nous sont présentées comme étant des photographies de Boltanski enfant, elles mêlent en fait différents portraits représentant indifféremment l'artiste ou des membres de sa famille. Dans Dix portraits photographiques de Christian Boltanski, 1946-1964 (voir p. 221), par exemple, l'artiste utilise des images d'enfants inconnus, la progression des âges étant le seul élément plausible de cet album photographique. De même, les Vitrines de référence ne présentent en matière de références que des documents tout à fait imprécis mêlés à des objets bizarres, dont le lien à l'enfance réelle de l'artiste est peu assuré. Certaines de ses reconstitutions sont même burlesques comme la Reconstitution d'un accident qui ne m'est pas encore arrivé et où j'ai trouvé la mort, ou encore la Reconstitution des gestes effectués par Christian Boltanski entre 1948 et 1954, dans laquelle l'artiste rejoue certaines scènes quotidiennes caractéristiques de l'enfance. Il brouille plus encore le jeu avec les Envois, une série d'envois postaux de témoignages de sa vie quotidienne (voir p. 200-201), généralement anodins mais dont l'un consiste en une lettre de désespoir dont le statut de vérité est tellement indécidable qu'il recevra plusieurs réponses de compassion. |
Boltanski [texte imprimé] / Julie Rouart, Auteur . - Paris (87 quai Panhard et Levassor, 75647, France) : Flammarion, 2010 . - 239 p. ISBN : 978-2-08-126139-6 Langues : Français Catégories : | Art contemporain ; Français ; International
| Mots-clés : | Collection SMart | Index. décimale : | C.04. Arts plastiques | Note de contenu : | «Il y a une histoire que j'aime beaucoup...» : lorsqu'on l'interroge sur le sens de ses oeuvres, Christian Boltanski prend généralement le détour d'une narration pour formuler une réponse indirecte, une réponse qui déploie un imaginaire commun entre le questionneur et l'artiste. L'histoire en question provient du large fonds de transmission orale collecté au fil du temps, qu'il s'agisse d'une légende populaire, d'une blague juive, d'un récit ethnographique ou encore d'une nouvelle de Lovecraft. Toutes parlent de transmission, de souvenirs, de relations humaines. Elles s'accordent autour d'une idée force : c'est dans la relation que la mémoire est possible, et seulement dans la relation. Toutes parlent du mensonge et de la vérité comme d'une seule et même chose, car dans l'art le mensonge est constitutif de la vérité et la vérité atteignable seulement à travers le mensonge. Ce faisant, ces récits et légendes tressent autour de l'univers de l'artiste autant de cercles de paroles, modes d'accès mais aussi modes de diffusion d'une création qui, parce qu'elle parle de transmission, doit être aisément transmissible.
Ne me dis pas... Dès ses débuts, Boltanski s'est ingénié à créer non .pas des histoires, mais le support d'histoires que le spectateur doit recomposer et interpréter. Ainsi l'essence de son travail est-elle moins narrative que suggestive, plus énigmatique que véritablement autobiographique. Bien qu'il ait avant cela réalisé des peintures et des installations, l'oeuvre qu'il considère comme inaugurale de sa démarche artistique est un petit livre, conçu en 1969, Recherche et présentation de tout ce qui reste de mon enfance, 1944-1954. Il y rassemble des images et de petits témoignages de son enfance, présentés sans hiérarchie comme dans un album de souvenirs. Cette collection de bribes d'informations sur son passé est la première d'une longue série de tentatives de reconstitution de sa jeunesse, qui seront consignées dans des livres, des vitrines ou encore des boîtes à biscuits. Le projet affirmé de sa première période de création est ainsi de réunir ou de reconstituer des fragments de souvenirs et de situations vécues au long de ses premières années. Pour ces «essais de reconstitutions», comme il les nomme, Boltanski utilise des photographies qu'il annote ou des objets qu'il confectionne lui-même avec des matériaux trouvés. Malgré leur revendication autobiographique, ces éléments nous renvoient à des situations qui ne sont rien moins qu'évidentes : vitrines entières de petits couteaux ou de pièges faits à la main, boulettes de terre par dizaines, sucres taillés composant un alphabet indéchiffrable, représentations approximatives d'objets du quotidien en pâte à modeler durcie, disposées dans des casiers ou des boîtes à biscuits. Les photographies qui sont censées documenter son enfance ne sont guère plus instructives puisque, sous les dehors d'une objectivité documentaire, leur identité est généralement fausse et les annotations parfaitement fantaisistes. Ainsi, alors que les images réunies dans ses livres nous sont présentées comme étant des photographies de Boltanski enfant, elles mêlent en fait différents portraits représentant indifféremment l'artiste ou des membres de sa famille. Dans Dix portraits photographiques de Christian Boltanski, 1946-1964 (voir p. 221), par exemple, l'artiste utilise des images d'enfants inconnus, la progression des âges étant le seul élément plausible de cet album photographique. De même, les Vitrines de référence ne présentent en matière de références que des documents tout à fait imprécis mêlés à des objets bizarres, dont le lien à l'enfance réelle de l'artiste est peu assuré. Certaines de ses reconstitutions sont même burlesques comme la Reconstitution d'un accident qui ne m'est pas encore arrivé et où j'ai trouvé la mort, ou encore la Reconstitution des gestes effectués par Christian Boltanski entre 1948 et 1954, dans laquelle l'artiste rejoue certaines scènes quotidiennes caractéristiques de l'enfance. Il brouille plus encore le jeu avec les Envois, une série d'envois postaux de témoignages de sa vie quotidienne (voir p. 200-201), généralement anodins mais dont l'un consiste en une lettre de désespoir dont le statut de vérité est tellement indécidable qu'il recevra plusieurs réponses de compassion. |
|